Yo La Dumpo
Sans doute à l’envers de beaucoup, j’ai découvert Yo La Tengo en commençant par écouter Dump. A l’époque, mes achats de CD étaient souvent guidés par la pochette du disque. En l’occurrence, celle de A Grown-Ass Man m’avait tapé dans l’œil dans les rayonnages de la Fédération Nationale d’Achats des Cadres. Style Comics, avec le lapin dont je découvrirai plus tard qu’il est l’un symbole de l’artiste, elle avait tout pour me plaire en suggérant une sympathique pop bricolo. Et c’est exactement ça Dump !
Dump est donc le side-project de James McNew, le bassiste (et parfois chanteur) de Yo La Tengo. À son actif, pas mal d’EP souvent introuvables et quelques albums dont les deux premiers, Superpowerless et I Can Hear Music, sont ressortis l’an dernier en version deluxe collector avec moultes bonus tracks, rééditions vitales pour le fan de base que je suis. Mais à ces deux albums, je préfère toujours deux autres longs formats : A Grown-Ass Man (sans doute le côté “album de cœur car album de la découverte”) avec des chansons lo-fi extrêmement accrocheuses (I Wish/You Wish, I’m On Your Side ou encore Cowboy Song, originellement de Thin Lizzy). Et surtout That Skinny Motherfucker With The High Voice ?, album de reprises de Prince, qui, à mon humble avis, a l’incroyable pouvoir de transcender toutes les versions originales, pour quiconque préfère le dépouillement aux arrangements lourdauds des 80s. S’il ne fallait en retenir qu’une, ce serait Pop Life.
Et du coup, un peu plus tard, je me suis penché sur Yo La Tengo. Groupe de monsieur Ira Kaplan, de madame Georgia Hubley-épouse-Kaplan et donc de James McNew qui tient la chandelle depuis 1992 tout de même. Dans mon esprit, Yo La Tengo est assez comparable à Sonic Youth. D’une part, pour le côté : “Hé chérie, ça te dit de faire un groupe de rock avec moi ?”. D’autre part, parce que ce sont à peu près les seuls groupes auxquels je pense à avoir une œuvre que je trouve globalement excellente, mais où figurent des chansons trop pénibles pour mes délicates oreilles. Pour Sonic Youth, Goo est un chef-d’œuvre. Là, tout le monde est d’accord. Mais, nom de Dieu ! Qui peut endurer avec plaisir Scooter + Jinx ? Alors, certes, c’est certainement une pièce “intéressante” musicalement. M’enfin… Son seul avantage est de ne durer qu’une minute (et si sa grande force était de distordre le temps, en faisant passer une minute pour un quart d’heure ?). Pour Yo La Tengo, même constat : Popular Songs, sans parler d’œuvre maitresse est un album hautement recommandable, truffé de bons morceaux comme Nothing To Hide ou All Your Secrets. Mais comment écouter les trois titres finaux (35 minutes au total tout de même !) sans avoir envie de passer à autre chose ?
Néanmoins, cessons les critiques négatives et reconnaissons à Yo La Tengo le talent de pouvoir aborder à peu près tous les styles, de la pop fifties tout orgue en avant (Periodically Double or Triple) à la bossa nova (Center of Gravity), du rock plein de larsens (Super Kiwi) à des choses plus contemplatives (I’ll Be Around). Et, le plus souvent donc, avec brio. Si je ne devais employer “protéiforme” qu’une seule fois dans ma vie, peut-être l’utiliserais-je pour parler de Yo La Tengo. Un autre talent du groupe (et de James McNew en solo comme je l’ai évoqué plus haut) consiste à dénicher des titres relativement méconnus de groupes plus ou moins obscurs et d’en balancer une reprise parfaitement troussée. Ainsi, sur Fakebook (rien à voir avec le Zuck’, qui avait à peine 6 ans à la sortie de l’album), entièrement constitué de reprises, difficile de se détacher de Griselda et ce, dès la première écoute ! Et que dire de You Tore Me Down, emprunté aux Flamin’ Groovies ou d’Emulsified, de Rex Garvin & The Mighty Cravers (???).
Pour résumer, Yo La Tengo et Dump sont souvent excellents dans leurs créations personnelles, toujours parfaits au moment de reprendre un prédécesseur. Donc, écoutez-les ! Maintenant ! C’est un ordre !