Vile, Lumière d’Automne
Imaginez la situation : vous avez 40 minutes de bagnole à faire pour aller (et autant pour revenir) au Carrefour de Villefranche de Rouergue pour retirer vos places de concert pour The Color Bars Experience et The Coral. Au bout d’un quart d’heure, lassé par les grésillements d’Antenne d’Oc, fort dommageables au vu de l’éclectisme de la programmation musicale (La Fanfare en Pétard vous faisant presque regretter Regg’Lyss), vous décidez de passer sur Radio iPod. Grand bien vous en a pris, puisque vous optez pour B’lieve I’m Goin Down …, dernier album de Kurt Vile. Et avouons-le tout de suite : ce choix est excellent !
D’abord, pour les chansons en elles-même. Ce nouvel album démontre la maîtrise parfaite de Kurt pour l’exercice de la chanson pop-folk toute simple et toute belle. Cette simplicité d’écoute cache pourtant un gros travail sur les instruments, des pickings de guitare assez dingo aux orchestrations bien fouillées. Et encore, on n’a même pas tendu l’oreille sur les paroles. M’est avis que c’est un peu plus recherché que des “je t’aime mon amour, chabada chabada pour toujours”.
Ensuite, pour le contexte. Car en sillonnant les routes aveyronnaises, bordées de parcelles délimitées par des murets de pierres sèches, vous vous dites que les morceaux ont été conçus ici et maintenant : pendant un road trip en solitaire sur une départementale, un après-midi de décembre, quand la lumière orange donne une teinte de douce monotonie (That’s Life Tho). Vous avez l’impression que Kurt a parcouru la même route, vu les mêmes vaches, les mêmes brebis, les mêmes grandes étendues vallonnées. Vous vous dites aussi que c’est pas la première fois que vous le suspectez de mener une double vie en France (sérieusement, sur l’album précédent, la première mesure de Wakin on a Pretty Daze, ça vous fait pas penser à Eddy ? Allez… Franchement ! Un peu, quand même ! Non ? Bon.).
Enfin, pour le voyage. Parce qu’en plus du voyage physique, vous en venez franchement à divaguer à l’écoute de cet album. Une pancarte “Grotte de Foissac - L’Homme il y a 5000 ans” au moment de All In a Daze Work et vous vous demandez si la musique de Kurt Vile n’existe pas depuis toujours. De la chanson totalement intemportelle. Qui pourrait à coup sûr traverser les millénaires sans problème. Cet album est une invitation au voyage. Cette fausse nonchalance amène une sorte d’universalité de lieu et de temps. Ce disque s’écoute sans doute aussi bien sur les routes de Midi-Pyrénées que pendant un trajet Portland-San Francisco, autant un 11 décembre qu’un 28 juillet (promis, on tentera l’expérience cet été pour voir si on n’a pas raconté n’importe quoi). On est tellement bien en compagnie de cet album, qu’en dépit de notre bon sens et à l’encontre de tous nos potes inscrits sur des groupes tels que “Pour la destruction de tous les disques rock contenant des solos de sax”, le temps du titre bonus Sax Omens, on trouve ça trop cool, surtout quand cela coïncide avec notre retour au bercail, alors que la nuit commence à tomber !